lundi 25 janvier 2016

Saint-Aubin-du-Cormier : « On y compte 1200 communiants »

Saint-Aubin-du-Cormier ; petite ville qui releve du Roi, sur la route de Rennes à Fougeres ; à 5 lieues un tiers au Nord-Est de Rennes, son Evêché. On y compte 1200 communiants : la Cure est présentée par le Roi. On y remarque une Jurisdiction royale & une Subdélégation. Il s’y tient un marché le jeudi, & cinq foires par an. Le territoire offre à la vue des terres en labeur, quelques prairies, des landes, & les bois de la Chaine & de Rumignon, qui appartiennent à sa Majesté : le premier peut contenir cent soixante arpents ; & le second, deux cents soixante. On prétend que sous l’un de ces bois coule un torrent, sur lequel j’ai demandé des éclaircissements que je n’ai pu obtenir. Les historiens de cette province s’accordent à dire que les ville & château de Saint-Aubin-du-Cormier furent fondés l’an 1223, par Pierre de Dreux, Duc de Bretagne, qui fit construire cette place pour défendre l’entrée de son Duché du côté de la Normandie & du Maine. 

Comme ce Prince aimoit la chasse, il se plaisoit beaucoup dans cette nouvelle habitation, qui joignoit la forêt du grand & petit Sevail, qui s’en trouve maintenant éloignée d’environ une demi-lieue. Cette forêt se confondoit, dans le même temps, avec celle de Rennes, dont elle est aussi séparée actuellement. Les arbres ont été coupés dans une assez grande étendue ; & le terrein a été défriché, de sorte que ces forêts ne renferment maintenant qu’un très-petit espace, en comparaison de celui qu’elles occupoient. 

Le Duc Pierre de Dreux n’acheva que le donjon du château, le reste fut fait à plusieurs reprises ; & l’on a remarqué que les ouvrages faits par le Duc Pierre étoient plus solides que les autres : ce que l’on peut vérifier par les débris du donjon que le Roi Charles VIII fit abattre ; le mortier à chaux & ciment est plus dur que la pierre. Auprès de ce château, étoit un étang qui subsiste encore. 

Pierre de Dreux, pour peupler plus promptement l’endroit, accorda plusieurs privileges aux habitants : il les exempta de tailles, des coutumes, & des péages ; il leur permit de trafiquer par toute la Bretagne, moyennant une redevance de cinq sols payables à la fête de Noël de chaque année, & à la charge de prendre les armes, dans le besoin, pour la défense du pays. Il leur accorda encore le privilege d’envoyer leurs bestiaux paître dans la forêt, & d’en prendre le bois mort pour le chauffage. En 1237, ce Prince établit un marché à Saint-Aubin-du-Cormier, pour être tenu le mardi ; mais cet arrangement déplut à André de Vitré, qui avoit aussi établi un marché à Chevré, au jour de mardi. Il fit, à ce sujet, des représentations au Duc, qui fixa le sien au jeudi, afin de ne pas porter préjudice au Baron de Vitré. 

L’an 1341, Charles de Blois arriva, avec son armée, devant Saint-Aubin-du-Cormier, qui tenoit pour le Comte de Montfort. Les habitants, ayant à leur tête la garnison de leur ville, firent une sortie pour repousser l’ennemi. Charles les attendit de pied-ferme, les vainquit, & les poursuivit avec tant de vivacité, qu’il entra avec eux dans la ville, qu’il brûla.



Vitrail de (?) représentant Pierre de Dreux dit le Mauclerc


Thomas James, né à Saint-Aubin-du-Cormier, fut d’abord Chapelain du château de Saint-Ange, sous le Pontificat de Sixte IV. En 1478, il fut nommé à l’Evêché de Saint-Pol-de-Léon, & transféré à celui de Dol en 1482 : il obtint plusieurs privileges des Papes, & fut estimé du Duc François II, qui l’envoya en Ambassade, & le chargea de plusieurs commissions honorables. Ce Prélat mourut, l’an 1503, regretté de tous les gens de bien.
Le 28 Juillet 1488, se donna la fameuse bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, entre l’armée du Roi de France Charles VIII & celle du Duc de Bretagne François II. Les Bretons furent vaincus, & perdirent environ six mille hommes, parmi lesquels étoient plusieurs Seigneurs distingués. La perte des Français fut d’environ quinze cents hommes. Le Général vainqueur fit démolir les fortifications de Saint-Aubin-du-Cormier. Le château étoit petit, mais très-fort. Je ne m’attacherai point à faire un plus long détail de cette action, rapportée dans toutes les histoires de France & de Bretagne. La Juridiction royale de Saint-Aubin-du-Cormier fut unie & incorporée à la Sénéchauffée de Rennes, par lettres du Roi Charles IX, données au mois de Mars 1564.

Jean Ogé in Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, 1780.